ÉPISODE 15: LE CONVOI

Je montais dans le 4x4 d’Abdel et, dans l’aube à peine naissante, nous roulâmes lentement en direction du croisement duquel partait la route du sud.

Il était désert.

Nous prîmes vers le sud en continuant de rouler à petite vitesse.

Nous croisâmes un camion ou deux, à peine plus.

Au bout d’une cinquantaine de kilomètres Abdel fit demi-tour.

La chaleur s’intensifiait dehors mais la climatisation de notre véhicule nous en préservait.

- Tu penses qu’on va croiser quelque chose d’intéressant ? demandai-je.

- Nous le saurons si nous le croisons, mais c’est la meilleure technique. Comme tu as pu le remarquer: impossible de se dissimuler au bord de la route pour regarder passer les voitures, il n’y a rien, pas de cachette, pas d’ombre, c’est le désert complet par ici

Effectivement c’était la meilleure technique pou épier la circulation sur la route sans éveiller de soupçons. Quoique… qui pourrait avoir des soupçons par ici, vu qu’il n’y avait strictement personne. La technique ne concernait que les chauffeurs soupçonneux.

Soudain, Abdel me désigna la route en tendant le doigt vers l’horizon:

- Voilà du monde !

Il avait une meilleur vue que moi.

Un quart d’heure après nous vîmes en effet plusieurs camions, dans l’autre direction, se suivre les uns derrière les autres.

En tout sept camions du même modèle et de la même couleur grise.

Ils étaient tous entièrement fermés sans la moindre ouverture en dehors du pare-brise des conducteurs.

S’il y avait des êtres vivants dans ces camions-là, à quelle température étaient-ils ?

- C’est eux !!! déclara Abdel.

Je ne lui demandai pas pourquoi il avait dit cela parce que sans me l’expliquer je le pensais aussi.

- Il va falloir qu’ils refassent de l’essence à Garyan, on va y aller en prenant l’autre route.

Le deuxième jour, nous avions eu une longue discussion avec Li, via son smartphone satellitaire et, sur ses indications, nous avons rajouté quelques items de plus sur la liste des commissions à Benghazi.

Des balises GPS tropicalisées avec un dispositif de fixation magnétique.

Il fallait en mettre un ou deux sous les camions du convoi.

Comme ils étaient obligés de stopper à Garyan, c’était là qu’il fallait opérer.

Abdel avait ses informateurs et il répondait souvent dans son propre smartphone à leurs appels.

- J’ai un cousin qui pense que les types qui font ça c’est la milice d’Ismaïl al-Saïti…

- Qui c’est ?

- C’est du sérieux, du très sérieux !…. sa milice c’est au moins deux bataillons… ça fait plus de deux mille hommes, qui n’obéissent qu’à lui… officiellement ils ont rejoint le Ministère de l’Intérieur mais pratiquement, il n’obéit qu’à lui-même… il est plus fort que le gouvernement… et…

- Et ?…

- Il n’aime pas les Occidentaux, il est musulman radical !

Il médita un long moment après lequel il ajouta

- … très radical.

Nous arrivâmes à Garyan en fin d’après midi.

Les camions faisaient bloc devant l’unique station d’essence de la petite ville poussiéreuse.

Des types armés avec des lunettes noires montaient la garde.

Les miliciens d’al-Saïti…

Comment faire pour approcher des camions ?